L’histoire de P’tit Prince, le chaton noir courageux
Si je vous dis que ma rencontre avec un chaton noir m'a bouleversée, le croiriez-vous ?
Combien de temps faut-il pour qu’un rendez-vous marque une vie à jamais ?
Parfois, il suffit d’un instant, d’un regard échangé entre deux êtres.
Pour moi, ce fut avec un chaton noir bien courageux, pendant une semaine.
En retraçant le fil de mon existence, je réalise que les chats ont toujours été des compagnons de transition, des présences discrètes mais décisives, apparaissant aux moments de bascule. P’tit Prince ne fit pas exception.
Ma rencontre avec P'tit Prince dans ma famille d'accueil, un chaton noir qui me marquera pour toujours.
Juste avant la rencontre avec le chaton noir
Nous étions en octobre, à l’aube du changement d’heure, et je venais de refermer un chapitre de ma vie. Une rupture nécessaire, un nouveau départ à inventer.
C’est à ce moment que ma rencontre avec Sophie se déroula dans les fauteuils club du Bureau, autour d’un café un après-midi de septembre.
Nous échangions depuis plusieurs semaines sur les réseaux sociaux.
Membre actif d’une association de protection féline et professionnelle du comportement félin, Sophie partageait avec moi des expériences et des valeurs communes.
L’idée d'accueillir temporairement un chat en détresse s’est imposée comme une évidence.
Mes filles venaient de partir pour leurs études, laissant une grande pièce vide que je pouvais combler d’une manière qui avait du sens.
J’avais de l’espace, du temps et un cœur toujours ouvert.
M’engager dans la relation avec un chat ne m’avait jamais causé de déception.
C’est ainsi que j’ajoutais une nouvelle fonction à mon profil : famille d’accueil pour chats.
Quelques semaines après cette conversation, Sophie me confia un lundi ma première mission : accueillir un chaton trouvé errant dans les rues la veille au soir.
Après sa visite chez le vétérinaire, Nath, un membre de l'association, me l'amenait le mardi pour que je le garde en quarantaine chez moi.
À l’issue de cette période sanitaire, il retrouverait Nath et trois autres petits congénères en accueil également chez elle.
Le plan de cette première mission me paraissait simple et court.
Je me souviens m’être dit : une semaine, ce n’est rien. Je ne m’attacherai pas.
Mais je ne mesurais pas encore la profondeur du lien qui allait se tisser.
Premiers contacts avec ce chaton noir courageux
Dès l’instant où j’ai croisé son regard, j’ai compris que cette rencontre n’était pas anodine.
Sa fourrure d’encre, ses yeux gris-bleu animés et son corps pataud semblaient porter toute l’innocence du monde.
À peine âgé de quelques semaines, avec un léger retard de croissance selon le vétérinaire, ce chaton aurait dû être blotti contre sa mère, absorbant la chaleur de sa fratrie, apprenant les codes essentiels à sa survie.
Mais il était seul.
Pourquoi ? Avait-il été abandonné, s’était-il égaré, ou sa mère l’avait-elle rejeté ?
Je me souviens de la délicatesse avec laquelle je l’ai pris dans mes mains, et de la sensation de la légèreté de son corps tiède.
J’avais oublié à quel point la vie pouvait tenir dans le creux d’une main.
Lui, en revanche, n’avait pas peur.
Il m’a regardée avec curiosité, a enfoui sa tête dans ma main et a poussé un petit soupir satisfait.
Le regard intense de ce chaton noir courageux : toujours curieux et demandeur de la vie !
Le petit chat est parti, reste en moi le souvenir d'un p'tit Prince courageux et volontaire.
Comment ne pas s'attacher à p'tit Prince ?
Les jours suivants, P’tit Prince s’est adapté avec une rapidité déconcertante.
Il explorait son petit territoire aménagé dans le parc à chatons.
Avec facilité, le chaton volontaire escaladait les peluches moelleuses que je lui avais disposées et se pelotonnait contre sa bouillotte.
Je la remplissais d’eau chaude en vérifiant deux fois la bonne fermeture du bouchon.
À chaque fin de sieste, il m’accueillait d’un regard vif, ses petites griffes agrippant le filet du parc à chaton pour que je le prenne dans mes mains.
Il n’avait aucune méfiance envers moi. Il parcourait mon bras, se lovait contre mon cou, ou posait ses petites pattes sur ma main, comme pour s’assurer que je restais là.
Tous ces contacts si spontanés annulaient un à un les points de distances que je pensais instaurer entre nous.
En tant que famille d’accueil, je savais que je ne devais pas m’attacher.
Mais comment fait-on pour ne pas aimer un être avec lequel on se sent en fusion ?
Le petit chat noir s'en va : la séparation
P’tit Prince était prêt. En une semaine, il avait pris du poids, gagné en confiance.
Les séances de biberon avaient été épiques, l’aider à faire ses besoins aussi.
Mais j’éprouvais une grande satisfaction et une profonde reconnaissance de le voir en forme.
Déjà, il commençait à repérer nos rituels avant et après biberon, se montrant de plus en plus audacieux dans ses désirs d’exploration.
Mon lit devint son terrain de découverte : il gambadait entre les oreillers, jouait avec mes mains et les jouets pour chaton.
Nous partagions des instants précieux : moi, lisant dans le parc, lui dormant contre moi ou jouant entre mes jambes avant de sombrer en toute innocence dans une sieste.
Au bout du compte, il était temps pour lui de rejoindre d’autres chatons, d’apprendre à interagir avec ses semblables.
J’aurais pu dire : « Encore quelques jours. » Ou mieux encore : « Je le garde. »
Mais c’était ma première mission de famille d’accueil.
Mon rôle était d’accompagner, puis de laisser partir.
Pas de retenir.
Lorsque je l’ai déposé dans sa caisse de transport, son regard interrogateur m’a transpercé le cœur.
Ses petites griffes s’accrochaient à mon pull, comme pour maintenir le contact.
Mes doigts et ses pattes se sont effleurés à travers les ouvertures de la caisse.
Alors, il a miaulé. Je lui ai dit que tout irait bien, que je l’aimais.
Il savait.
La fin d'une rencontre.
Deux jours plus tard, un appel.
Sophie. Une voix grave.
P’tit Prince était à la clinique vétérinaire.
Son pronostic vital était engagé.
Quelques heures plus tôt, il s’était endormi après une séance de jeux. Il ne s’était jamais réveillé.
Méningite foudroyante.
Le choc m’a laissée hébétée.
Comment ? Pourquoi ?
Et si… ?
Mais il n’y a pas de réponses à ces questions.
Il n’y a que des tourments.
P'tit Prince est parti.
Il convient juste d’accueillir le silence et l’absence.
Ce soir-là, j’ai laissé le chagrin m’envahir.
À l’aube du jour suivant, je savais qu’autre chose allait commencer.
Une vie avec le souvenir de P’tit Prince, de ce monde invisible où les âmes des êtres aimés continuent de briller.
Un amour de p'tit Prince, pour toujours.
Une rencontre pour toujours.
Depuis, P’tit Prince fait partie de moi.
C'est vrai que l'attachement ne se mesure pas en durée, mais en intensité.
Ainsi, l’amour partagé n’est jamais perdu.
Je sais qu’il est là, mon P’tit Prince. Avec tous les autres petits félins de mon passé.
Et qu’au dernier jour de ma vie, je les retrouverai, quelque part, là où l’amour ne connaît ni début, ni fin.
L'héritage de cette rencontre entre P'tit Prince et moi : un lien éternel.
Et chez vous ?
Quelle empreinte indélébile vous a laissé votre chat en partant pour l'Autre Vie ?